Au moment du diagnostic, 76 % des patients sont en couple avec la même personne depuis moins de 2 ans. Il y a des répercussions négatives de la maladie sur la relation intime pour 89 % des hommes et 75 % des femmes, surtout lorsque le cancer concerne la sphère pelvienne, génitale et/ou érogène (prostate, vessie, côlon-rectum, col de l’utérus, sein…)
En tant que sexothérapeute je lutte principalement contre deux fausses croyances :
• La sexualité n’est plus possible dans un corps malade
• La sexualité est un luxe qu’on ne peut pas se permettre dans une lutte de survie.
Dans le cadre du cancer, la sexualité est gênée, voire rendue impossible du fait des conséquences physiques (fatigue majeure, douleurs) et psychiques (perturbations de l’image du corps, de la libido et de la relation conjugale) de la maladie. Le corps est mutilé est psychologiquement altéré : il est vécu par le sujet comme une blessure émotionnelle qui engendre le choc, le déni, la révolte et la dépression. Les conséquences sont multiples : perception d’une image corporelle détériorée, perte de confiance en soi, peur de voir diminuer son pouvoir de séduction et diminution de l’activité sexuelle.
Les effets du cancer sur la sexualité sont nombreux lors de la phase de traitement, les personnes se posent beaucoup des questions sur leur sexualité. Avant les traitements, les malades anticipent leurs potentiels effets sur leur sexualité (moments souvent chargés d’angoisse, panique, femmes imaginant leurs futures mutilations, l’image dégradée de leur corps renvoyée à leur conjoint). Mais aussi au cours ou après les traitements, quand les malades ont pu constater concrètement les changements advenus à la suite des interventions iatrogènes et leurs effets secondaires (parfois traumatiques) sur leur propre corps (alopécie, perte de la pilosité, altérations cutanées, impuissance, organe fantôme, etc.). Engager une communication autour de la sexualité est très important.
Les traitements anticancéreux sont redoutés. Les effets délétères intrinsèques au processus du cancer sont redoublés par les effets secondaires indésirables des traitements anticancéreux et des interventions médicales. Les traitements sont perçus comme des entraves majeures à la sexualité.
La chirurgie est pensée comme une intervention mutilante pour les patients des deux sexes, la radiothérapie “détruirait aussi bien qu’elle soignerait.”
Les chimiothérapies ont une action ambivalente, elles détruisent les cellules tumorales mais induisent aussi des nombreux effets collatéraux ( sécheresse vaginale, amaigrissement, rides, alopécie, dérèglements hormonaux majeurs, ménopause précoce transitoire ou définitive, stérilité)
Tous ces traitements et leurs effets peuvent créer une crainte à perdre la capacité de séduire et par rapport à l’avenir de leur couple, une peur de rupture conjugale.
Les effets du maintien de l’activité sexuelle sur les personnes atteintes d’un cancer avec leur partenaire ont été prouvés: diminution ou une disparition de la douleur, un bien-être, un meilleur moral, une détente corporelle et psychique, un rythme respiratoire apaisé, un meilleur sommeil, un « moyen de se défouler » contribuant ainsi au confort et à une meilleure qualité de vie. Le maintien de l’activité sexuelle permet aux malades de ne pas se sentir rejetés, de se sentir aimés et désirés par leur partenaire et de reprendre confiance en soi. La sexualité apparaît comme une « ressource » pour mieux combattre ou accepter la maladie et ses aléas (moments difficiles, traitements, fatigue, découragement), pour ne pas se laisser aller, pour prendre soin de soi, pour affirmer son envie de vivre malgré tout, renouer avec une vie d’avant et favoriser ainsi sa survie…

Cancer de la prostate
C’est un des cancers les plus fréquents chez l’homme . Aujourd’hui le traitement évolue, mais reste source d’effets secondaires qui impactent la sexualité des hommes qui en sont atteints.
L’évolution de l’intimité sexuelle, suite à un traitement du cancer de la prostate révele l’importance de l’accompagnement des couples pour franchir les étapes menant à un retour ou à un renouveau de leur intimité.
Les atteintes non organiques sont également importantes telles que la dépression, la perturbation de l’image corporelle, les modifications relationnelles/partenaire (dés érotisation de la relation, maternage, atteinte à la virilité, désintérêt)
Le modèle de récupération de la fonction sexuelle comprend plusieurs étapes :
- La perte de l’intimité et le chagrin , l’intimité est détruite et l’initiation d’une démarche résolutive crée une intimité artificielle (différentes méthodes permettent un retour de cette intimité telles que les pompes à vide ou l’implant pénien, parfois également utilisés par les hommes âgés)
- La peur de l’échec crée un évitement de l’intimité, par crainte de ne pas être performant.
- La construction et l’exploration d’une intimité alternative, avec son/sa partenaire est primordial. Ce concept permettrait de bénéficier d’un modèle de récupération sexuelle après un cancer de la prostate
Prise en charge sexologique
- Contribue à l’amélioration de l’état émotionnel du patient
- Amélioration de la qualité de vie, l’état de dépression ou d’anxiété
- Permet de renouer le sentiment d’intégrité personnelle et d’identité virile
- Il n’y a pas de protocole thérapeutique systématique
- La reconstruction sexuelle implique plusieurs étapes
Un encadrement systématique aidant :
- Le patient doit être prévenu qu’il faudra du temps à son corps pour retrouver son niveau fonctionnel antérieur.
- L’intérêt et l’implication de la partenaire dans les protocoles de réhabilitation psychologique et sexuelle optimise les chances de guérison sexuelle, améliore les troubles psychologiques et de l’humeur et joue un rôle pro-actif (prise d’initiatives sexuelles, participe activement aux relations sexuelles, le plaisir sera souvent partagé mais en dehors de toute pénétration)
Un patient informé reconstruit plus facilement sa fonction sexuelle. Le sexologue encourage et soutient la récupération sexuelle, fait du « coaching thérapeutique » basé sur l’information et l’éducation sexuelle, et la gestion des perturbations émotionnelles. Il met en place un suivi de couple jusqu’à la satisfaction ou reconstruction sexuelle.
La reconstruction de la fonction sexuelle est difficile et longue mais des formes de sexualité privilégiant les composantes conservées de la réponse sexuelle telles que l’orgasme, peuvent être une solution alternative permettant au couple de préserver l’intimité et la complicité. La tendresse, le plaisir, l’exploration, la récréation, l’expression de l’amour sont des pistes à aborder.

Cancer de sein
L’irruption d’un cancer de sein affecte tous les aspects de la vie : les repères corporels, la vie sociale et familiale, le rapport à soi-même et aux autres, et la sexualité (les seins étant le symbole de féminité, de maternité, de tendresse…).
L’atteinte corporelle liée au cancer du sein lui-même, mais aussi aux traitements, ne peut aller sans répercutions psychiques différentes et singulières à chacune, les équilibres de vie bousculés conduisent souvent à un retour sur soi et des changements dans la façon d’être.
La patiente rencontre l’atteinte du corps à 3 moments clés
- L’annonce de la maladie (potentielle mutilation et potentielle mortalité)
- Destruction et ablation de l’organe (acceptation irréversible du passé par un travail de deuil)
- Reconstruction d’un organe modifié ou d’une prothèse de substitution (travail d’incorporation)
La chirurgie réparatrice crée certaines altérations
• Perte d’intimité (sein médicalisé, exposé aux yeux de tous).
• Image Corporelle atteinte, du fait des effets physiques et physiologiques de la maladie et de ses traitements (alopécie, perte des cils/sourcils, cicatrices, fatigue, douleurs, modification odorat, sécheresse vaginale, etc.)
• Pertes d’identité, de féminité, d’assurance et de confiance en soi
Prise en charge sexologique post-OP est envisageable pour :
• Améliorer la sensorialité: massage, auto massage des cicatrices, relaxation, sophrologie
• Apprivoiser ce nouveau membre : la sensibilité ne sera jamais comme avant, mais l’érotisation est possible.
• Améliorer l’estime de soi, l’image corporelle et la sexualité :traiter les gênes sexuelles (douleurs, sécheresse vaginale), discuter sur la crainte du partenaire par rapport aux partenaire relations sexuelles.

Dans ce contexte, rencontrer un sexologue permet de :
- Venir parler et questionner ces bouleversements
- Éclairer ses propres réactions, celles de ses proches et de son/sa conjoint.e
- Restaurer une dynamique souvent mise à mal par la maladie
